-> Histoire de notre mobilisation



Origines de notre prise de conscience :

Fin mai 2008, les parents d'élèves de notre école maternelle Bidassoa du 20ème arrdt de Paris, ont été étonnés d'apprendre que les enseignants et personnels éducatifs seraient bientôt tous en grève, que l'école serait totalement fermée toute une journée.

Beaucoup d'entre nous, ignorant tout des mesures concrètes qui se cachaient derrière le discours rassurant, et à présent nous le savons, totalement mensonger et démagogique du gouvernement (qui promettait alors une réforme ambitieuse de l'Éducation Nationale pour le plus grand bien de tous et de notre pays), étions plutôt surpris, voire franchement mécontents. "Encore ces enseignants qui défendent leurs corporation au mépris de l'intérêt de nos petits !" étions-nous même quelques uns à râler...

Nombre d'entre nous se sont donc rendus à une réunion d'information organisée par l'équipe enseignante, l'avant veille de cette première grève, et nous n'étions pas tous dans la meilleure des dispositions à leur égard !

Mais quand nous avons écouté le directeur et les maîtres nous détailler ce qu'on pouvait alors savoir des mesures concrètes de cette réforme, même les plus remontés d'entre nous se sont calmés, abasourdis par l'avalanche d'annonces inquiétantes pour l'avenir de nos gamins, que nous découvrions ce soir-là. Plus personne n'avait envie de râler contre les profs.

Tout de même encore plutôt incrédules, chacun est ensuite allé à la chasse aux informations, du moins ce qui pouvait transpercer des intentions réelles de M. Darcos, car les annonces se catapultaient, parfois se contredisaient les unes les autres, c'était pas simple de comprendre ce qui se préparait vraiment. Mais au bout du compte il fallu bien se rendre à l'évidence, les enseignants nous avaient dit la vérité. Leur grève était largement justifiée, motivée par leur conscience professionnelle et l'intérêt véritable de leurs élèves, au moins autant que pour défendre leurs propres intérêts.

Au cours des semaines suivantes, de nouvelles annonces vinrent empirer encore le tableau qui se dessinait de cette réforme. Le gouvernement, sous un discours mielleux et manipulatoire, préparait ni plus ni moins que le démantèlement programmé de l'Éducation Nationale gratuite, et ambitieuse pour pratiquement tous, du moins au regard de ce que les enfants reçoivent dans les autres pays comparables.

Début de notre mobilisation :

Nous avons donc très majoritairement pris le parti de soutenir l'équipe enseignante, au moins moralement pour les parents les plus surchargés de travail et d'obligations diverses, mais également concrètement pour celles qui ont la chance d'avoir un peu plus de disponibilité.

Nous avons décidé de nous joindre à un mouvement d'occupation des écoles qui naissait alors un peu partout en France, du côté de Nantes, dans la Creuse, vers Montpellier, etc.

Début juin comme d'autres écoles du quartier, nous nous sommes lancés à improviser ces occupations. Peu à peu nous nous sommes rodés, et tout en occupant nous continuions d'échanger les infos, de confronter et vérifier les déclarations contradictoires et perverses du Ministre Darcos et du Président de la République, et plus nous en apprenions, plus nous étions révoltés.

Ce que nous comprenons désormais de cette prétendue "réforme", qui n'est peut-être au fond que l'outil essentiel d'une "contre-révolution" :

Pendant les premières semaines durant lesquelles nous avons commencé à nous informer sérieusement, nous n'avons pu que constater qu'au-delà des discours lénifiants, l'objectif des mesures décrétées par le Ministre Darcos sous l'impulsions du Président Sarkozy, est de faire des économies à tout prix au niveau de l'état. Pour favoriser les enseignements privés et confessionnels. Quitte à alourdir passablement le coût total réel de l'éducation d'un enfant, aux dépends des collectivités territoriales et surtout à ceux des familles.

Les enfants des milieux les plus modestes sont évidemment les plus menacées, mais cet alourdissement considérable du coût de l'éducation touchera à très court terme l'ensemble des familles, compliquera énormément l'organisation des parents, et rendra vraiment plus difficile en particulier la vie de toutes les mères, comme celle de nombreux pères, qui assument courageusement leurs responsabilités.

Et tout ça pour un résultat en terme de formation des futurs citoyens, sans aucun doute nettement inférieur à l'instruction et aux enseignements que prodiguait l'Éducation Nationale jusqu'à cette année 2008, pour un coût total global par élève très certainement largement supérieur à ce qu'il est encore actuellement.

Et pire, cet abaissement inéluctable du niveau d'instruction des adultes du futur paraît même carrément souhaité, concerté, planifié. Avec en arrière-fond des motivations du gouvernement, quelques présupposés purement idéologiques que rien ne corrobore sérieusement dans les faits. Des intentions cachées mais réellement malveillantes, vraiment nauséabondes, émanant de pamphlets douteux contre l'École Publique laïque, égalitaire et gratuite traditionnelle à notre République. Des brûlots mensongers qui eurent toutefois un certain échos dans les milieux les plus réactionnaires au tournant des années 2000, et clairement inspirés de thèses ultra-libérales, et de fanatismes religieux, prônés notamment par les plus dangereux des "faucons" néo-conservateurs qui entouraient alors le Président des Etats-Unis, G.W. Bush.

Pour des raisons qui nous échappaient encore, le lettré Darcos autrefois réputé pour sa pondération et sa compétence en matière d'éducation publique, ses talents de conciliateur et de pédagogue, a tourné casaque et applique à présent brutalement des thèses passablement opposées à celles que défendaient les gouvernements du Président Chirac, dont il faisait pourtant partie.

M. Darcos et Sarkozy, en matière d'éducation nationale comme dans bien d'autres domaines, semblaient n'avoir désormais qu'une hâte : mettre à exécution, rapidement et brutalement, les théories irrationnelles et rétrogrades d'un aréopage douteux d'affairistes irresponsables, racistes, de fanatiques mêmes. Ils semblent fortement influencés par certains délires idéologiques en matière d'éducation prônés par les mêmes apprentis sorciers qui nous juraient que S. Hussein avait des armes de destruction massive, ou que les "lois du marché" étaient les meilleures pour tout réguler, l'économie, les finances, l'éducation, la santé, et même la justice...

Pourquoi ? Ça nous semblaient tellement fou ! À terme, tellement contre-productif de la part d'un gouvernement certes de droite, mais en principe, d'un gouvernement démocratique !

Et puis tout récemment, on a trouvé une explication qui semble bonne, en visionnant "La variabilité politique de l'ajustement" (accessible via notre colonne à droite de cette page). Tout semble s'éclairer, et devient malheureusement, machiavéliquement logique.

Leur véritable cible, notre démocratie ?

En fait X. Darcos et N. Sarkozy étaient déjà dans les années 80 très proches de groupuscules très à droite dont le plus célèbre reste le "Club de l'horloge", informations sur leur biographie dont malheureusement aucun grand média n'avait informé les électeurs pendant la dernière campagne des présidentielles... À ce titre ils avaient depuis longtemps des visées très ultra-libérales, voire carrément autoritaires et antidémocratiques, notamment sur l'école. Mais ils ne pouvaient pas les mettre en vigueur dans les gouvernements de droite relativement modérée et en tout cas démocratique, auxquels ils avaient appartenu jusqu'en 2007.

À présent ils se sentent libres d'appliquer une idéologie sur l'enseignement, qu'ils savent pourtant eux-mêmes largement minoritaire, y compris parmi les électeurs qui ont porté Nicolas Sarkozy au pouvoir.

Leur stratégie : la Blitzkrieg (guerre éclair) chère notamment à un dictateur particulièrement néfaste : "Frapper très vite et très très fort pour empêcher toute possibilité d'organiser la riposte".

Et comme tactiques ils reprennent jusqu'à celles du sinistre Goebbels : "Un mensonge mille fois répété fini par devenir vérité !" au moins pour la grande majorité des citoyens ; et du même qui pensait également, paraît-il : "C'est l'un des droits absolus de l'état de présider à la constitution de l'opinion publique"...

Effectivement, c'est terrible. Oui, c'est affreusement dérangeant de constater que notre gouvernement applique (en toute connaissance de cause car nous sommes dirigés par des gens très cultivés), certains préceptes et des méthodes utilisés par les plus fous et les plus meurtriers des dirigeants du 20ème siècle.

En soi cela ne suffit certes pas à les taxer de fascistes évidemment, mais comme le relevait entres autres Gandhi "La fin est dans les moyens", et lorsque l'on utilise sciemment ce type de moyens, la fin visée ne doit pas être très reluisante, ni en tout cas profitable au plus grand nombre de nos concitoyens.

Il faut donc accepter cette réalité même si ça nous dérange. Et reconnaître aussi que leur propagande habile et massive marche hélas très bien, pour le moment.

Pourtant leurs thèses sont celles d'une minorité de la droite, sensibilité de notre paysage politique constituée pour l'essentiel de gens plutôt modestes ou de classes moyennes, héritiers de mouvements gaulistes ou démocrates-chrétiens incontestablement attachés à la démocratie, et à un niveau substantiel de services publics de qualité. Dans leur grande majorité ces électeurs seront eux-mêmes victimes des "réformes" en cours, en particulier de celle de X. Darcos pour l'enseignement.

Généralement fort peu versés en politique, les parents et enseignants de notre maternelle, toutes sensiblités confondues, prennent peu à peu conscience de ce triste état des choses.

Finalement, dans les récentes batailles internes aux familles politiques allant du centre à l'extrême droite, il ne s'agissait finalement pas tellement de "querelles de personnes", mais en fait de différences idéologiques importantes, entre des démocrates plus ou moins libéraux et honnêtes mais réellement attachés aux fondements de la République française, et des autoritaires désirant affaiblir notre démocratie.

Un peu stupéfaits quand même de découvrir ces réalités qu'aucun grand média ne semble avoir voulu nous faire connaître de trop près ces dernières décennies, nous ne pouvons que constater qu'à l'heure actuelle, l'immense majorité des français paraît victime d'une trop habile propagande, et d'une offensive sans précédent au cours de la 5ème République, contre notre système politique démocratique.

Nous nous découvrons toutes et tous, désormais sous la coupe d'une poignée d'extrémistes, qui se donnent des airs de "progressistes" et de "modernes", mais qui dans les faits, ne redoutent pas de manipuler et de mettre en difficulté l'immense majorité des citoyens, y compris la plupart de leurs propres électeurs.

Défendre l'école publique, pour défendre notre démocratie :

Cette lutte pour le maintien de notre école publique, laïque, républicaine, gratuite, et cela bien qu'elle soit loin d'être parfaite, concerne donc tous les citoyens attachés à la démocratie, qu'ils soient électeurs de la droite modérée ou la gauche démocratique, des écologistes, etc., ou même d'irréductibles "abstentionistes".

Comme le répètent M. Sarkozy et Darcos : "La mise en oeuvre d'un projet politique commence par la mise en oeuvre d'un projet pour l'éducation..."

Leur projet politique est extrêmiste, ultra-libéral et autoritaire, et c'est bien pourquoi ils veulent d'abord et par-dessus tout, détruire l'école publique en tant que creuset de notre République démocratique, et rendre définitivement caduque sa célèbre devise : "Liberté, égalité, fraternité".

Pour le moment, presque tout le monde, à commencer par l'opposition officielle allant de la droite modérée aux partis de gauche et écologistes, semble encore sous le choc de l'avalanche "réformiste" qui marque le début du mandat de N. Sarkozy, et de la "communication gouvernementale" massive et agressive qui l'accompagne, peinant à suivre l'ampleur des modifications qu'elles infligerons à notre société, incapable de trouver des parades efficaces.

Normal, c'est exactement l'objectif de la Blitzkrieg que le Président Sarkozy mène contre les fondements de notre démocratie à commencer par l'école, comme de la propagande massive et raffinée qui l'accompagne...

S'opposer quand même, en contrant la propagande :

La routine de l'occupation quotidienne de l'école que nous sommes parvenus à maintenir sans faillir dès les premiers jours de juin 2008 et jusqu'aux vacances, comprenait l'envoi chaque matin d'un communiqué aux responsables politiques, au rectorat et à la presse.

Après les premiers jours où nous avons diffusé un modèle standard de déclaration d'occupation que nous avaient fourni d'autres écoles mobilisées, nous avons décidé de faire nos propres communiqués, et nous les avons utilisés pour détailler et expliquer cette réforme, aux journalistes en particulier dont très peu avaient eu le loisir d'examiner de près les détails de cette réforme.

Chaque jour un nouveau communiqué exposait un aspect spécifique de cet ensemble de mesures, savamment distillées dans le désordre afin de tromper les citoyens, mais qui mises bout à bout, révélait la logique implacable d'un plan très concerté visant à détruire totalement toute cohésion sociale, en démantelant de fond en comble notre système d'éducation publique, gratuit, laïque et républicain.

Cet ensemble de communiqués élaborés au fil des occupations quotidiennes de notre école en juin et début juillet 2008, détaille à peu près toutes les mesures dont nous avions connaissance à l'époque.

Ils ont été relativement efficaces car assez vite, des journalistes de journaux télé, de radios, de quotidiens, nous ont contactés et sont venus réaliser des reportages dans notre école.

Malheureusement il semble que nombre de rédacteurs en chef ont empêché que les sujet réalisés soient trop explicites, nous étions toujours déçus par le résultat de ce qui filtrait dans leurs reportages des réalités de la réforme.

Nos communiqués ont aussi servi localement à éclairer des parents et autres familiers du quartiers, qui découvraient le problème en les lisant sur les portes de notre école, ou qui les recevaient par l'intermédiaire d'une liste de diffusion internet, créée pour relier les parents mobilisés au niveau de notre arrondissement de Paris.

Par contre, nos communiqués n'ont hélas pas suffit à ébranler la machine gouvernementale à casser l'école publique, pas plus que les très nombreuses autres initiatives prises dans des centaines d'autres écoles à la même époque.

Nous les présenterons toutefois sur ce blog, qui devrait bientôt tous les rassembler (dans les "archives", malheureusement ce logiciel de blog ne permet pas de les classer par date de création mais seulement par date d'installation), à titre d'information et de témoignage.

Ensuite vinrent les vacances, au grand soulagement du gouvernement qui escomptait que le mouvement s'essouffle et disparaisse définitivement dès la rentrée.

Effectivement dans cette lutte du pot de terre contre celui de fer, les parents comme les enfants et enseignants sont rentrés en septembre passablement désabusés. Mais toujours pas résignés.

Nous ne renoncerons pas :

Nous avons compris que cette lutte sera de longue haleine, qu'il faudra persévérer longtemps.

Mais ça vaut vraiment la peine.

Nous sommes toujours aussi motivés, bien qu'assez démunis devant la brutalité du gouvernement, qui refuse toute concertation en abusant du rapport de force tout en manipulant sans vergogne l'opinion publique, comme devant l'apathie des partis d'opposition et des syndicats sur ce sujet (comme sur bien d'autres malheureusement), tout au moins jusqu'à présent.

Malheureusement les difficultés économiques, les multiples raisons de craindre l'avenir, n'aident pas les familles à conserver l'enthousiasme des premières semaines de résistance à la réforme Darcos. Le gouvernement le sait et très cyniquement, espère que les familles comme les enseignants finiront par se décourager, et lâcher prise.

Pour autant nous ne sommes toujours pas résignés, et nous continuerons de manifester notre rejet de l'ensemble de cette réforme.

Simplement il faut nous organiser pour installer notre mouvement de résistance dans la durée, créer de nouveaux outils, nous relier, trouver des alliés, continuer d'informer sans relâche malgré le poids considérable de la propagande gouvernementale, et imaginer de nouvelles formes d'action.

Depuis la rentrée de septembre 2008, les parents, enseignants et citoyens éclairés du 20ème arrondissement continuent, comme dans bien d'autres endroits, à se rencontrer, et peu à peu à mieux s'organiser pour mener une résistance farouche à cette réforme, résolus à s'y opposer aussi longtemps qu'il le faudra. Et de nouvelles écoles, de nouvelles familles se joignent à notre mouvement de résistance pour la défense de l'école publique.

Nous avons participé à de nombreuses actions et nous continuons à occuper régulièrement nos écoles, à organiser des réunions d'information, à faire signer des pétitions, à soutenir les enseignants dans leur démarches de désobéissance pacifique, à les défendre lorsqu'ils sont victimes de répression et de brimades de la part de leur hiérarchie, à tenter de sensibiliser les médias, à pousser les élus et les syndicats à se montrer plus combatifs, à créer nos propres outils de communication.

Ce petit blog improvisé par des parents bénévoles s'insère, avec beaucoup d'autres en train de se créer, dans ce mouvement qui s'organise avec beaucoup de difficultés mais une énorme détermination, pour défendre notre démocratie, notre République, l'avenir de nos enfants et celui de tous les citoyens de notre pays.